02 Décembre 2014
Le Cabinet obtient du Tribunal de Grande Instance de Nîmes, pour la veuve d’un mari défunt, la condamnation de la banque et de l’assureur du prêt souscrit par son époux pour manquement à obligation de conseil.
Extrait du jugement :
« Sur la demande de prise en charge au titre de la garantie décès
Sur les clauses du contrat,
Selon les dispositions de l'article L. 140-4 du code des assurances, le souscripteur est tenu de remettre à l'adhérent une notice rédigée par l'assureur énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de mise en jeu de l'assurance. Si la notice n'est pas rédigée en termes clairs et précis, le juge doit l'interpréter de manière favorable aux adhérents.
Par ailleurs, l'article L. 312-9 du code de la consommation mentionne que lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui l'adhésion à un contrat d'assurance collective qu'il a souscrite en vue de garantir en cas de survenance d'un des risques que ce contrat défini, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéance dudit prêt, les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées :
1°- au contrat de prêt est annexée une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l'assurance (...).
Par "notice", il faut entendre tout document définissant de façon claire et précise ces risques et les modalités, peu importe son intitulé.
Lors de son adhésion le 24 novembre 1998 au contrat d'assurance collective souscrit par le crédit agricole auprès de la caisse nationale de prévoyance, M.XXX a porté sa signature sous une mention pré-imprimée aux termes de laquelle il a accepté «d'être assuré pour le prêt ci-dessus pour les risques décès, IPA ITT, suivant les modalités du contrat d'assurance collective dont un exemplaire (lui) a été remis par le préteur et sous les éventuelles réserves mentionnées ci-dessous».
Cette mention était suivie de la rubriques : GARANTIES ACCORDEES, où étaient cochés les cases : DC, celle IPA et celle ITT.
Les conditions générales valant notice d'assurances, intitulées : « les principales Garanties du contrat d'assurance », énoncent les risques garanties DECES, IPA, ITT.
Pour chacun des risques précités, il est précisé : la prise d'effet des garanties, les âges limites d'adhésion, les limites de garantie, la période d'attente, la période de franchise, les prestations garanties, les délais de présentation des justificatifs et les primes.
Ainsi l'article 6 dispose :
« La garantie prend fin au terme initialement prévu au contrat de prêt et en tout état de cause au plus tard :
En ce qui concerne la garantie décès :
Au 75ème anniversaire de l'assuré, s'il a souscrit à la garantie « Personnes âgées », GPA.
Au 70ème anniversaire de l'assuré, s'il n'a pas souscrit cette garantie. (...) » ;
Enfin, sur la première page du bulletin d'adhésion est mentionné à gauche dans la rubrique prêt, à côté du numéro de contrat, « GPA » et une case oui et une case non, et en tout petit : Garantie personnes âgées.
Aucune case n'a été cochée sur ce document, indiquant si l'adhérent souhaitait la garantie GPA ou s'il la refusait.
Mme XXX estime qu'il y a une ambiguïté entre d'une part l'article 6 des conditions générales valant notice d'assurances, qui font effectivement apparaître que la garantie DECES s'arrête à 70 ans si la garantie GPA n'a pas été souscrite, et d'autre part les mentions de la demande d'adhésion, en toute fin qui indique qu'il bénéficie des garanties décès, invalidité absolue et définitive et incapacité temporaire totale. Elle considère que cette ambiguïté a pu créer une confusion dans l'esprit de son mari qui s'est cru assuré puisqu'au surplus il a continué à payer de primes d'assurance au-delà de 70 ans.
Par ailleurs, elle considère que cette notice n'a pas respecté les dispositions des articles L.112-3 et 4 du code de la consommation notamment en ce qu'elle ne mentionne pas de manière apparente la durée de l'assurance et les limites d'âges excluant la garantie ne sont pas mentionnées de manière apparente ou se détachant du reste du texte.
Cependant, par l'absence de mention de la GPA et par la signature de la formule :
«J’accepte d'être assuré pour le prêt ci-dessus pour les risques décès, IPA ITT, suivant les modalités du contrat d'assurance collective dont un exemplaire (lui) a été remis par le préteur et sous les éventuelles réserves mentionnées ci-dessous », il n'est pas démontré de lacunes de la notice par rapport à la police d'assurance.
Les mentions de la durée du contrat de prêt et de la durée de l'assurance sont comme indiquées ci-dessus, rappelées contrairement à ce que prétend Mme XXX, de manière apparente et en gras dans l'article 6.
M.XXX n'a pas coché la case GPA et n'a donc pas souscrit à la garantie GPA ce qui avait pour conséquence de limiter la couverture du risque DECES à son 70ème anniversaire ceci étant clairement et de manière apparente rappelé aux termes des conditions générales et de l'article 6.
Enfin, cette modalité n'avait pas pour effet d'exclure M.XXX de la garantie DECES mais d'en limiter au-delà de 70 ans sa couverture, sauf à souscrire une garantie complémentaire. Elle n'est dès lors pas abusive.
Le tribunal ne peut par voie de conséquence sanctionner par l'inopposabilité à l'adhérent, des stipulations limitant la garantie DECES à 70 ans.
C'est donc à juste titre que l’Assureur YYY a refusé la garantie DÉCÈS à Mme XXX, puisque au jour du décès de son mari celui-ci était âgé de 73 ans et n'était plus couvert.
Sur le devoir de conseil et de mise en garde,
Mais par ailleurs, le souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe a le devoir de faire connaître de façon très précise à l'adhérent à ce contrat la nature et l'étendue de ses droits et obligations.
Ainsi, le banquier qui propose à son client d'adhérer à un contrat d'assurance de groupe dans les conditions précitées est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur sans que la remise d'une notice, par ailleurs requise, suffise à satisfaire à cette obligation.
Il est donc responsable des conséquences qui s'attachent à une information inexacte ayant induit l'assuré en erreur sur la nature, l'étendue ou le point de départ de ses droits ou une inadéquation de la garantie souscrite à sa situation personnelle.
Mme XXX recherche la responsabilité de la banque mais également de l'assureur sur le fondement de l'article 1147 du code civil et du manquement au devoir de conseil.
Il est constant qu'au jour de souscription du contrat de prêt d'une durée de 192 mois, M. XXX avait 60 ans pour être né en 1939. La durée du prêt étant de 16 années, elle dépassait les 70 ans de ce dernier et posait la question de sa couverture DECES au-delà.
Mme XXX croit pouvoir soutenir qu'en indiquant vouloir être assuré pour le prêt à 100%, il entendait être assuré pour toute la durée du prêt. Or quelques soit la modalité choisit, le terme du prêt aurait été postérieur à la garantie y compris la garantie GPA puisque M.XXX aurait eu alors 76 ans. Cet argument n'est pas pertinent.
Par contre en omettant d'attirer l'attention de M. XXX sur les risques couverts par son assurance, et sur l'impossibilité de bénéficier d'une prise en charge du risque DECES au-delà de 70 ans sauf à souscrire la garantie GPA, l'établissement bancaire n'a pas donner à son client toutes les informations utiles et qui pouvaient avoir des conséquences pour lui et sa famille puisqu'au jour de ses 70 ans, il restait encore plus du tiers de la durée du prêt à couvrir.
C'est donc à juste titre qu'elle reproche à la banque de ne pas avoir proposé une assurance (plus) efficace s'agissant d'un prêt important et relativement long.
Il existe, en effet, une disproportion entre la durée du prêt (16 ans) et celle de la garantie DECES (10 ans). Sachant que M.XXX était né en 1939, on peut observer qu'il avait déjà 60 ans révolus lorsque la banque lui a offert d'adhérer à une assurance DECES dont l'âge limite de couverture était de 70 ans alors que le remboursement du prêt n'en était qu'au deux tiers.
Si elle n'avait pas à s'immiscer dans les affaires de son client normalement diligent, la banque a commis un manquement à son devoir de conseil et de mise en garde en n'appelant pas spécialement l'attention de M. XXX sur cette disproportion et sur l'intérêt qu'il pouvait y avoir de souscrire une extension de garantie GPA ramenant le délai de non couverture à quelques mois.
Quant à l’Assureur YYY qui fait valoir que les clauses contractuelles du bulletin d'adhésion sont parfaitement claires et que c'est en toute connaissance de cause que M.XXX qui était un homme instruit et capable de comprendre la situation, a souscrit cette garantie DÉCÈS dont il ne pouvait pas ignorer sur simple lecture de la notice d'assurance qui lui avait été remise et qui était jointe au bulletin d'adhésion, qu'elle prendrait fin à son 70éme anniversaire, il sera observé qu'elle n'a pas réagi à l'absence de mention concernant la GPA alors même que son bulletin d'adhésion demandait de cocher une case oui ou une case non. Cette absence de réaction à une mention pourtant bien utile en la circonstance créé une ambiguïté dans les termes mêmes de la police d'assurance et il lui revenait d'interroger M.XXX pour qu'il se prononce clairement et même voire de le mettre en garde dans l'hypothèse où il aurait refusait cette extension. En ne le faisant pas elle a elle aussi, failli à ses obligations contractuelles.
(…)
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant par jugement rendu par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
REJETTE la demande visant à voir déclarer les clauses du contrat d'assurance et du contrat de prêts abusives et donc les réputer non écrites ;
DIT que la garantie décès ne s'appliquait pas au jour du décès de M. XXX celui-ci ayant plus de 70 ans révolu et n'ayant pas souscrit l'extension de garantie « Personnes âgées » ;
Dit que la Banque ZZZ et l’Assureur YYY ont manqué à leurs obligations contractuelles par défaut d'information et de mise en garde ;
DIT que le préjudice subi par Mme XXX s'analyse en une perte de chance évaluée à 70% ;
LES CONDAMNE solidairement à lui payer en réparation de son préjudice prouvé la somme de 14.668,86 €, outre la somme de 2.000 € au titre de son préjudice moral